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Portant des accessoires de marque contrefaits, des réfugiés de multiples origines aspirent à rejoindre l’Europe et les États-Unis

Dossier 22 mai 2020

Ép. 2 – Les radeaux de Géricault et de Rancinan

Épisode 2

Découvrez l'épisode 2 de l'histoire des radeaux de Géricault et de Rancinan !

Des thèmes d’actualité brûlants

Le Radeau des Illusions et la crise migratoire en Europe : des milliers de morts et des millions d’espoirs déçus

Les années 2010 sont le théâtre d’un drame humain d’une ampleur difficile à évaluer : tandis que les pays d’Europe débattent sur la façon dont ils doivent gérer l’une des pires crises migratoires de l’histoire récente, des millions de réfugiés partis d’Afrique, du Moyen Orient, d’Asie du Sud et d’Europe de l’est, suivent des parcours hautement périlleux à travers les Balkans, le continent africain et la mer Méditerranée, afin de fuir des conditions de vie politiques et économiques aussi diverses qu’insupportables. Ils meurent par milliers, la plupart se noyant dans le bassin méditerranéen.


Et pour ceux qui parviennent à braver les flots et les multiples dangers de la route, le calvaire est loin d’être terminé : camps insalubres, labyrinthes administratifs, mendicité, rejets de certains habitants … les réfugiés rencontrent mille difficultés, et l’eldorado dont ils rêvaient durant leurs pérégrinations fait pâle figure.


Leur sort divise les gouvernements et occupe de nombreuses associations, qui se heurtent parfois à l’hostilité de locaux inhospitaliers, quand la presse et l’opinion publique s’enflamment dans le sens de leur intégration ou de leur renvoi.


Gérard Rancinan fait carrière dans le photojournalisme, avant de devenir l’un des photographes « plasticiens » les plus côtés du monde. Au cours de ses voyages, il rencontre nombre de déracinés qui lui font part de leurs malheurs et de leurs croyances en un monde meilleur. Ils portent des accessoires de marque contrefaits et rêvent de Paris et des États-Unis.


Sur l’horizon, là où Géricault dessine le salut incarné par la voile de L’Argus, Rancinan dispose les symboles de ces destinations rêvées où la misère des réfugiés doit prendre fin : le panneau Hollywood et la Tour Eiffel.

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Portant des accessoires de marque contrefaits, des réfugiés de multiples origines aspirent à rejoindre l’Europe et les États-Unis

Les personnages de Rancinan s’appellent Mas, Bô, Afif, Fereol, Jamel, Kyung-Mi, Nadia … ils viennent d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’est et illustrent la diversité ethnique qui caractérise le mouvement migratoire vécu par l’Europe ces dernières années. La voile semble faite de morceaux de tissus d’origines culturelles diverses, cousus ensemble : des nappes à tonalité moyen-orientale, peut-être un faux foulard Hermès ou encore un bout de drapeau américain ?


Tous dérivent sur le Radeau des Illusions, dans un univers paré des mirages de la société moderne – le rêve américain, le luxe parisien, la réussite pétrolière, le pouvoir du dollar, le bonheur matériel -, et arborent ces objets iconiques qu’ils ont su fabriquer par eux-mêmes, comme pour montrer que cet univers leur était aussi accessible. L’un d’entre eux porte quatre montres au poignet : s’agit-il d’évoquer le marchand de rue qui peut vendre de fausses Rolex 20 euros pièce ? Ou bien cet homme a-t-il quitté son pays d’origine en entassant sur lui tous les objets de valeur qu’il possède ?

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Les symboles de la société de consommation parent cet univers où rôdent les mirages de l’Occident

Quoi qu’il en soit, tous risquent leurs vies dans leur quête du paradis occidental ; ils en ignorent encore la réalité crue, et ne font qu’entrevoir le continent de désillusions qui s’étend devant eux.


En utilisant la force visuelle du Radeau de la Méduse, icône universelle de l’art, Gérard Rancinan rend hommage à ces exilés de tous horizons et dénonce un drame majeur du XXIe siècle.

Sarah Barry