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Jean Galfione, skipper de Serenis Consulting, lors d'un entraînement en Bretagne sud / Photo Team Serenis Consulting

Sport 13 novembre 2018

Jean Galfione: « Je ne voulais pas mentir sur l’histoire »

[interview]

Le champion olympique de saut à la perche a pris la lourde décision d'abandonner la Route du Rhum après une semaine à l'abri des tempêtes. "Par manque d'intérêt sportif" et par "honnêteté"

Jean Galfione, skipper de Sérénis Consulting, a décidé d’abandonner la Route du Rhum. Pour sa deuxième participation, il avait choisi, comme la moitié de la flotte, de se mettre à l’abri des trois grosses dépressions qui ont frappé l’Atlantique Nord. Le champion olympique et champion du monde de saut à la perche assume sa lourde décision.

Vous êtes l’un des rares à ne pas repartir pour profiter de la fenêtre météo. Pourquoi?

Se lancer dans une course huit jours après le départ et alors que le grand vainqueur est déjà connu n’aurait pas eu de sens compte tenu de mon objectif. Certains repartent parce que ce qu’ils veulent c’est traverser, arriver de l’autre côté, participer à la Route du Rhum parce qu’ils ne le feront probablement qu’une seule fois. C’est tout à leur honneur et je les comprends. J’ai vécu ce sentiment lors de ma première participation à la Route du Rhum il y a quatre ans. Seulement, moi, aujourd’hui, je m’étais posé des objectifs sportifs. Or, maintenant sportivement, il n’y a plus d’enjeu.

Vous engager dans une compétition sans atout n’est pas votre objectif?

J’ai pris du temps pour mûrir ma décision. Si je repars une semaine après, en mode tranquille, ce sera uniquement pour l’aventure humaine. Or, celle-ci n’aurait pas été en phase avec mes objectifs. D’ailleurs, personne n’est reparti à fond. Car, n’ayant plus de véritable enjeu sportif, les skippers n’ont pas envie de casser. Je ne voulais pas repartir pour jouer la 40e place. Repartir aurait été une transat en solitaire, je ne dénigre pas les gens qui le font, mais, moi, mon projet initial n’est pas celui-là. L’aventure, je l’ai déjà vécue la première fois, aujourd’hui ma course m’aurait parue fade.

Votre passé de perchiste international a-t-il pesé dans ce choix?

Je n’ai pas voulu revivre l’expérience des Jeux Olympiques de 2000. On m’avait envoyé à Sydney, blessé. Je savais que je n’avais pas ma place pour aller chercher une médaille. Je n’ai, aujourd’hui, aucune fierté à dire que j’ai fait ces J.O. parce que ça a été pour moi, une fausse compétition.

Une fausse compétition, c’est exactement ce que je ne voulais pas pour cette Route du Rhum.

Je veux être honnête. Je ne voulais pas mentir sur l’histoire de ma course. Je ne me cache pas derrière une soit-disant avarie. Si mon sponsor me l’avait demandé, je serais reparti parce qu’au moins, je l’aurais fait pour quelqu’un. J’espère avoir pris la bonne décision. Cela a été un vrai conflit en moi mais je l’assume.

Ressentez-vous l’échec sportif ou la satisfaction d’une décision prise en adéquation avec vous-même?

Un peu les deux. L’histoire n’est pas du tout celle qu’on avait voulu écrire. On parle d’un échec, il faut être réaliste. Donc il faut l’assumer mais il également être en phase avec soi-même. Pour moi, c’est primordial.

Quelle leçon tirez-vous de la situation?

Mes qualités ne sont peut-être pas d’aller affronter les tempêtes. Tout le monde ne peut pas jouer en Ligue1. Je vais réfléchir à la façon de vivre les choses. J’ai encore envie de naviguer, toujours autant de faire des jolies choses. Je vais voir comment le mettre en place.

Ses partenaires ont fait savoir qu’ils le suivent. « Jean Galfione est définitivement un grand champion et un sportif hors-normes. Il bénéficie naturellement – et à 100% – du soutien de ses partenaires » a annoncé Sérénis Consulting.

Gaëlle Richard