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Le jeu consiste à reconnaître un bateau de pêche français dont le nom a été flouté / Photo F. M.

Pêche 6 juillet 2018

La pittoresque histoire du jeu des bateaux de pêche

Fin janvier, un Béarnais, passionné de bateaux de pêche, crée un jeu sur Facebook. Six mois plus tard, sa page est suivie par 2.536 personnes

Tous les dimanches à 19 heures, face aux Pyrénées, Florent Morin rêve d’embruns et d’odeur de poisson. De cris des mouettes talonnant les bateaux qui rentrent au port guettant la moindre miette à portée de bec. D’interjections des pêcheurs qui déchargent les caisses sur le quai. D’une criée à l’heure de l’ouverture.

Tous les dimanche soirs, le Béarnais allume son ordinateur. Depuis Lescar, près de Pau où il vit, il anime un jeu sur Facebook qui consiste à reconnaître un bateau de pêche des côtes françaises et espagnoles dont il a flouté le nom et l’immatriculation. Le premier qui devine le nom du bateau a gagné.

Tous les dimanches, entre les champs de maïs, lorsque le soleil décline derrière les montagnes, la mer s’impose. Et plus de 2.500 personnes se connectent pour jouer sur la page « Bateaux de pêche des côtes françaises et espagnoles« . En dix minutes, les dix premiers se sont déjà jetés sur les réponses pour remonter au classement!

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En janvier dernier, Florent Morin, « juste pour voir », crée la page Facebook et initie son jeu.

« Je ne savais si ça allait marcher. J’ai été surpris les premiers dimanches où ça a bien fonctionné. »

Son jeu -qui, d’ailleurs, ne porte pas de nom- s’adresse à tout le monde. Y jouent des marins pêcheurs et des personnes lambda. « Mon but est de l’ouvrir à tout le monde. Je voulais publier une photo d’un bateau de pêche, peu importe le quartier maritime (port d’attache).  Je n’ai que des retours positifs. Les gens disent que ça leur fait passer un bon moment et que cela les pousse à découvrir des endroit de France et différents bateaux de pêche. »

Une passion de gosse

Sur une terre plutôt versée dans le rugby, l’agriculture, la montagne et L’Encantada, le petit Béarnais, à 8 ans, se prend de passion pour les bateaux de pêche. A 110km de l’océan, c’est la mer qui prend l’homme. « Depuis 1993, j’ai passé mes grandes vacances à Capbreton, dans les Landes. J’étais attiré par ces bateaux qui me semblaient gros, par leurs allers et venues et par le métier de ces hommes qui partaient affronter les vagues. » Avant de devenir père et de consacrer du temps à sa famille, il « passe des heures » sur les ports. Il amasse une palanquée de photos qui lui servent à alimenter le jeu.

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La Niouargue quittant le port de La Cotinière / Photo G.Jalauidn via Facebook

 

Dans la vie, Florent Morin est fraiseur sur des machines à commandes numériques. Il façonne des pièces pour l’aviation, comme le Rafale, à Sauvagnon près de l’aéroport Pau-Pyrénées.

« Pour moi, les bateaux de pêche ont quelque chose de poétique. »

« Je suis attiré par l’image, leur ballet. C’est comme un tableau mais avec toute la vie qui cela induit et les différences techniques. Je n’ai jamais voulu en faire mon métier mais je reste très admiratif des marins pêcheurs. »

Une vraie communauté de pêcheurs

Les professionnels sont souvent surpris de ses connaissances. L’homme des montagnes passe des heures sur Marine Trafic, l’application qui permet de situer en temps réel la position des navires et affiche leur photo et caractéristiques. « Je clique sur les positions, on voit les photos et c’est comme ça que j’enrichis mes connaissances. » Il hante souvent quais et pontons des ports de Saint-Jean-de-Luz, Capbreton, La Cotinière, les Sables d’Olonnes, la Méditerranée ou la Normandie.

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Albator II, quartier maritime de Bayonne / Photo K. G. via Facebook

Pour alimenter le jeu, Florent Morin utilise des photos dont lui ou un ami, sont les auteurs. Sa page Facebook publie également d’autres photos ou vidéos envoyées par des contributeurs. Certains, même, profitent de cette page, devenue une vraie communauté de pêcheurs, pour faire passer une annonce d’emploi, de vente, de naufrage ou informer que tel ou tel a changé de quartier maritime. Sur « Bateaux de pêche des côtes françaises et espagnoles », on parle français, basque ou espagnol. On regarde son classement dans le jeu. On se tutoie. On se s’interpelle en se « tagant ». On se donne des nouvelles des un des autres. Un peu comme une fréquence VHF avec des images.

A quand le tour de France?

Père de trois enfants,  le Nagui de la pêche décharge ses photos devant ses enfants. « Peut-être qu’un jour, ils aimeront aussi cet univers. » Il rêve d’un tour de France des ports, hébergés chez ses « amis virtuels ». « Il y a plein de marins pêcheurs avec qui je me suis lié d’amitié bien plus que virtuelle. Ils m’ont invité, avec certains nous nous sommes même rencontrés. »

Rendez-vous donc tous les dimanches à 19 heures. Face aux Pyrénées ou devant l’ordinateur.

Gaëlle Richard