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Nautisme 14 juin 2018

La Tall Ships d’Audrey, malvoyante. Le Morgenster a ouvert ses horizons

[LA CARTE BLANCHE de...]

...Marjorie Michel, journaliste et navigatrice sur la Tall Ships

Audrey, 17 ans, malvoyante, Corrézienne. Suite à une tumeur au cerveau, elle a subit à 14 ans une opération, elle a dû choisir entre la perte de l’usage de ses jambes ou la vue. Aujourd’hui, elle distingue les formes, les ombres et quelques couleurs. Elle fonctionne en partie avec sa mémoire visuelle et se fabrique maintenant de nouveaux souvenirs en faisant appel à ses autres sens.

L’aventure sur le Morgenster a commencé avec l’envoi de sa candidature pour le recrutement de « trainees » (stagiaires) lancé par Bordeaux Métropole. Plusieurs personnes de l »institut spécialisé qu’elle fréquente ont postulé. L’aventure du Morgenster a éveillé sa curiosité, elle a été portée par son goût du voyage, l’envie de connaître une nouvelle culture, un nouvel environnement et côtoyer d’autres nationalités. Elle aime se dépasser et se lancer de nouveaux défis. Sa joie fut intense début mai quand elle a été acceptée après un premier refus. Elle n’a jamais eu aucune appréhension, elle trouve le contact à bord très facile et n’a eu aucun problème à s’intégrer au groupe, les autres viennent spontanément à elle. Même si la communication reste difficile quand on est malvoyant surtout dans un groupe conséquent.

Pour se repérer et s’adapter à cet environnement qui lui est totalement étranger, c’est sa première navigation, elle écoute les sons, les bruits du bateau, ressent ses mouvements. Par moment, elle est frustrée, voudrait pouvoir participer davantage aux manoeuvres, mais elle perd les gens, ça va vite et elle ne trouve pas toujours sa place. Les autres tâches lui sont plus accessibles. Elle ne reconnaît pas toujours les gens ce qui peut rendre les échanges. Et les valides ne mesurent pas toujours ses besoins. Au début, elle avait du mal à trouver ses repères sur le bateau. Comment reconnaître l’avant de l’arrière, s’y retrouver entre les différentes portes, les différents accès. Le plus long a été de retrouver sa cabine. Alors elle a constitué son propre schéma de déplacement en écoutant les conversations, en distinguant les éléments caractéristiques du navire, inclinaison des marches, dimension des portes. Elle ne se fixe pas de limites, veut toujours faire plus, oubliant parfois son handicap. Cet accident de la vie lui a donné une grande détermination. Elle fait en sorte d’éviter que les barrières ne s’installent. Elle estime que parler du handicap est important pour que les valides puissent mieux l’appréhender et pour le comprendre il faut pouvoir se mettre à la place des autres. Elle a trouvé une forte solidarité et de belles amitiés à bord qui lui ont permis de profiter et d’apprécier son séjour. Une belle aventure humaine.