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Charles Caudrelier sur Dongfeng / Photo Eloi Stichelbaut - Dongfeng Team

Dossier 24 juillet 2018

Charles Caudrelier, vainqueur de la Volvo, rêve du Vendée Globe

[INTERVIEW]

Le skipper de Dongfeng, vainqueur de la Volvo Ocean Race, se livre. A froid, trois semaines après la victoire, il regarde devant

Charles Caudrelier, 44 ans, est le tout frais vainqueur de  la 13e édition de la Volvo Ocean Race, la course autour du monde en équipage. Le skipper de Dongfeng Race Team depuis 2014 goûte, depuis trois semaines, le « plaisir simple de retrouver les siens » après 9 mois d’une des courses les plus dures. Il rêve déjà à d’autres horizons.

Déjà vainqueur de la Volvo Ocean Race (VOR) en 2011-2012 en tant que second de Franck Cammas, le Breton père de deux enfants (7 ans et 10 ans) remporte la course dans les dernières minutes de l’ultime étape, grâce au choix tactique proposé par Pascal Bidegorry, navigateur de Dongfeng.

Mer et océan: Cette édition n’a pas été facile. Avant la victoire, vous avez vécu 9 mois de frustrations, en course mais également humaines. Lesquelles ont été les plus dures?

Charles Caudrelier: En effet, nous avons ressenti beaucoup de frustrations car on n’a pas gagné d’étape. A chaque fois, on n’était pas loin à  mais seule la victoire est jolie. Nous avons tous ressenti ce sentiment qu’il a fallu transformer pour devenir plus forts.

Dans la dernière étape, à quel moment l’équipage a-t-il puisé l’énergie de la victoire?

Peut-être dans les deux dernière heures… Mais de toutes façons, tu es obligé de te battre tout le temps. Durant les deux dernières heures, on a commencé à y croire même si on savait que tout pouvait basculer; ça s’est joué à 10° d’angle de vent. Nous avons transformé notre frustration en colère et cette colère en énergie positive. On en a parlé avant le départ. On s’est dit, « ok, on est en colère, utilisons cette colère contre l’adversaire plutôt que entre nous à nous reprocher des choses les uns les autres. On a toujours été soudés, restons-le. » Cela nous a donné un coup de boost. Et tout le monde a repris bon espoir.

Vous dites avoir, avant la VOR, perdu la foi en vous-même, pourquoi (et comment) avoir pris la décision de repartir pour ce projet, une course aussi dure?

Parce que, justement, j’avais envie de faire mieux personnellement, d’être un meilleur skipper (et puis on n’avait pas trop le choix). En fait, j’avais perdu la foi dans la réussite plus que dans ma capacité à  réussir. Parfois, tu gardes un fond de foi dans la façon dont tu mènes ta barque c’est alors que  la chance, ça se provoque. Et c’est qu’il faut  y aller. Donc j’ai eu envie de repartir à zéro.

Ce doute permet aussi de se remettre en question, c’est une bonne chose. C’est mieux ça que de la surconfiance!

Vous passez subitement sous les feux de la rampe. Réputé pour être solitaire, comment gérez-vous cette exposition médiatique? 

Elle n’est pas non plus énorme! Cette médiatisation reste dans des proportions acceptables. J’avoue que cela a des côtés agréables parce que gens sont sympas avec toi, c’est plaisant de sentir l’admiration. Ce qui est pénible, c’est que tu passes ton temps à répéter les mêmes choses et, à certains moments, tu n’es pas forcément disponible. Ce n’est pas parce que tu as remporté un challenge sportif que tu es toujours dans de bonnes conditions.

Cette course a-t-elle changé quelque chose dans votre vie ou votre façon de la voir?

Forcément… (silence) Je crois que la Volvo a changé ma façon d’aborder les vrais problèmes de la vie, surtout par rapport à la famille. Tu te rends compte, quand tu es au bout du monde depuis des semaines, que c’est bien de gagner des courses mais c’est la famille qui reste le plus important. Du coup, tu apprends à apprécier les moments simples de la vie. Etre sur la plage avec tes enfants, alors que tu pourrais trouver ça ennuyant, est un grand bonheur même si tu as remporté une course autour du monde.

Quel est le plus lourd sacrifice que vous avez consenti pour cette course? Quelle est l’image la plus belle qui restera?

Le temps que je n’ai pas pu accorder à mes enfants. En même temps, je me dis que c’est comme dans beaucoup de métiers. Un chef d’entreprises qui part loin, lorsqu’il revient, il n’a pas toujours l’esprit libre. Ces projets lourds te bouffes toute ton énergie. De plus quand tu es loin et que tes enfants ont des petits soucis du quotidien, je me rends compte que je ne suis pas là pour lui apprendre des trucs. Quand tu es trois semaines en mer, tu es trois semaines totalement absent.

« Mes enfants sont heureux de voir leur père heureux »

L’image de l’arrivée sur le ponton, restera gravée à jamais pour nous tous. Tu vois les larmes de tous les gens, ceux qui ont le plus pleuré sont d’ailleurs ceux qui sont restés à terre! Cette course nous a permis de voyager et de vivre des moments forts comme gravir une montagne en Afrique du Sud avec mon fils. Il ne pensait pas y arriver mais nous l’avons fait et il en parle encore. Nous avons passé trois jours en camping-car en famille. Il se passe plein de choses autour de la course. Et puis mes enfants sont heureux de voir leur père heureux. Mon fils est content! Quand on a 10 ans, on veut toujours être le plus fort, celui qui gagne!

Vous rêvez du Vendée Globe Challenge, que manque-t-il pour atteindre cet objectif?

Un sponsor! Même avec un bon palmares, la recherche de partenaires reste difficile. Pour Dongfeng, partenaire chinois, le Vendée Globe est trop français. Il me faudrait un entreprises françaises (banque, assurance…) ou des entreprises vendéennes qui veulent faire connaître leur nom…

Propos recueilli par Gaëlle Richard