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Le chalutier déploie ses filets sur le fond qui envoient une décharge / Photo DR

Pêche 1 février 2018

Haro sur la pêche électrique

POLEMIQUE

Accusée d’appauvrir les réserves halieutiques et de créer une concurrence déloyale, cette technique utilisée en Hollande est interdite

En France, la pêche électrique soulève une levée de boucliers. Les défenseurs de l’environnement s’y opposent pour des raisons écologiques. L’association Bloom mène une campagne de sensibilisation. La commission Pêche du Parlement Européen s’est prononcée, fin novembre 2017, pour un élargissement de cette technique jusqu’à présent au stade expérimental mais en janvier, les eurodéputés ont refusé cette pratique même dans des cas dérogatoires. Pêcheurs et poissonniers subissent la concurrence de leurs homologues hollandais qui la pratiquent. Le pôle industriel d’Intermaché Agromousquetaires et l’Association des poissonniers de France ont annoncé leur intention de boycotter les poissons importés des Pays-Bas qui la pratiquent.

Comment ça fonctionne ?

La pêche électrique consiste, depuis un chalutier muni de perches, à envoyer des impulsions électriques dans le sol pour étourdir les poissons benthiques (vivants dans le sol). Ils remontent à la surface et sont beaucoup plus facilement capturés par le filet tracté par le même chalutier. L’Union Européenne a interdit cette technique en 1998. Seuls 5 % des bateaux d’un pays peuvent pratiquer à titre expérimental. Selon l’association Bloom, la Hollande aurait délivré des autorisations illégales depuis 2007 justifiées par des intérêts de recherche.

Désertification de la vie marine

L’association pointe le fait que « toute la vie marine est électrocutée ». « Le courant électrique n’épargne aucun organisme » explique l’association sur son site. Comme toutes les techniques de pêche à grande échelle, celle au chalus électrique risque d’appauvrir les écosystèmes et les réserves halieutiques, comme le soulignent certains pêcheurs et des élus comme Paul Christophe, député du Nord à l’Assemblée nationale le 8 novembre 2017. Le ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, Stéphane Travest, a annoncé que que la France «s’opposera à toute levée de l’interdiction de cette pratique, au-delà de la dérogation limitée actuelle».

Conséquences économiques

Face à la concurrence déloyale des pêcheurs néerlandais, Intermarché a annoncé, début décembre son intention de mettre en place « en collaboration avec ses fournisseurs, un plan de progrès pour organiser la traçabilité des techniques de pêche » et, en conséquence, «  retirer des approvisionnements les espèces pêchées selon des méthodes contestées ». L’association Poissonnier de France (6.400 membres), elle, ne mâche pas ses mots. En décembre 2017, elle « boycotte » les poissons en provenance des Pays-Bas. « La pêche électrique provoque déjà des dégâts considérables sur la ressource, conduit à la stérilisation des fonds marins et met en péril l’avenir des professionnels du secteur de la pêche » explique le communiqué.

Le dossier sera examiné à une date inconnue, avant le trilogue du Parlement, de la Commission et du Conseil des ministres. L’objectif de ces réunions informelles est d’aboutir à un compromis.

Pas sûr que les pêcheurs français, qui déjà tirent le diable par la queue, acceptent quelque concession que ce soit.

G. R.

Les Hollandais défendent la pêche électrique

Selon l’ambassade des Pays-Bas en France cette technique présente des avantages :

• évite de labourer les fonds

• économiser 46 % de gasoil car les bateaux sont plus légers et sortent moins longtemps

• gains de pêche de 20 % par rapport à la pêche classique s’élèveraient

• sélectivité améliorée pour la sole (« elles sont effrayées par l’impulsion électrique »)

• diminution de 50 % de la capture accessoire de vie sous-marine et de poissons sous la maille

• moindre pénétration de l’engin dans le fonds marin